Plan S – Interview de Tetiana

Nous avons également rencontré, Tetiana, originaire de Kyïv (Kiev) en Ukraine. En avril 2022, elle est arrivée en Suisse pour offrir un avenir meilleur à sa fille de 4 ans, loin de la guerre. Avec son mari, ils avaient initialement prévu de se rendre quelque part en Europe, mais c’est finalement la Suisse qui est devenue leur refuge, où ils ont ensuite obtenu le permis S.

En Ukraine, elle travaillait depuis dix ans dans l’administration de l’Hôpital militaire national. Dès son arrivée en Suisse, elle s’est inscrite à l’ORP pour trouver du travail. Bien qu’elle parle anglais, elle a vite compris qu’il lui fallait maîtriser le français pour accéder à l’emploi. L’ORP lui a donc proposé des cours de français, un premier pas vers l’intégration.

Déterminée, Tetiana a demandé un accompagnement d’orientation professionnelle. C’est ainsi qu’en janvier 2023, elle a intégré le programme Horizon grâce à Magali, conseillère en emploi à l’EVAM. Pendant cette période, elle a dû jongler avec les besoins de sa fille, qui débutait l’école sans solution de garde à l’UAPE pendant un an. Son mari, de son côté, suivait aussi des cours de français.

À l’été 2023, Interiman l’a contactée pour lui proposer un CDD de quatre mois à la Croix-Rouge, où elle a travaillé comme administratrice de bases de données au Bureau du CTA, créé pour gérer les effets de la guerre en Ukraine. Sa mission consistait à aider à retrouver les personnes portées disparues. Après cette expérience enrichissante, elle a postulé à l’EVAM pour le projet Plan S, où elle a travaillé six mois comme facilitatrice d’intégration.

  • Quelles étaient vos motivations à participer au plan S en tant que Facilitatrice ?

Pour moi, il était essentiel de trouver un emploi. À mon arrivée en Suisse, cela n’a pas été simple d’en obtenir un immédiatement, malgré mon diplôme de master obtenu en Ukraine. Le système rend difficile l’accès au marché du travail pour les nouveaux arrivants.

C’est pourquoi il était tout aussi important pour moi d’aider des personnes dans la même situation que moi. Mon expérience pouvait être précieuse pour les bénéficiaires du Plan S. En utilisant ma langue maternelle, j’ai pu expliquer aux autres comment naviguer dans ce nouveau système, que ce soit pour la garderie, l’UAPE, et d’autres démarches. Nous étions comme des ponts entre les bénéficiaires et l’EVAM. Nous leur donnions nos cartes de visite pour qu’ils n’hésitent pas à nous contacter. Ils savaient qu’ils pouvaient nous parler dans leur langue maternelle, ce qui les rassurait.

  • Quel était votre rôle ?

J’ai été une personne à l’écoute. J’ai conseillé les bénéficiaires sur la recherche d’emploi en Suisse, les autorisations et toutes les subtilités du système que je connaissais déjà. Mais il ne s’agissait pas seulement de dire « il faut trouver du travail ». Avant d’atteindre l’autonomie financière, d’autres aspects sont essentiels. J’ai aussi aidé certaines personnes à renforcer leur autonomie personnelle. La plupart des bénéficiaires du permis S sont arrivés en Suisse sans que ce soit prévu. Dans leur esprit, ce séjour était censé être temporaire. Je suis habituée à parler à des personnes en situation difficile.

Par exemple, si une personne ne parle pas la langue, on va lui proposer des cours de français. Mais si elle est en train de déménager, sa priorité ne sera pas d’apprendre le français. Avec le changement de logement, elle pourrait se retrouver loin de ces cours, ce qui rendrait cette solution inutile. Il fallait donc adapter l’approche à chaque situation individuelle.

  • Qu’est-ce qui vous a plu dans ce rôle ?

C’était un vrai plaisir de pouvoir trouver des solutions utiles pour les bénéficiaires. Certains sont très motivés pour commencer à travailler, mais leur niveau de français est encore insuffisant. Un minimum de connaissance de la langue est nécessaire pour décrocher un emploi, signer un contrat, comprendre les questions salariales et échanger avec les collègues. Mon objectif était de leur expliquer le fonctionnement du système. Bien sûr, il existe des exceptions, mais le cadre reste le même.

Nous encourageons les bénéficiaires à entreprendre davantage de démarches par eux-mêmes afin de leur offrir plus de possibilités. Même si une personne n’agit pas immédiatement, au moins elle dispose des informations nécessaires pour savoir ce qui est possible. Si l’on a un objectif, il est important de savoir quelles étapes suivre pour y parvenir. J’ai d’ailleurs reçu deux appels de bénéficiaires qui avaient trouvé un emploi, et un autre m’annonçant la signature d’un contrat de stage pour quatre mois.

  • Est-ce que cette expérience vous a aidé pour vos projets ?

Oui, bien sûr, cette expérience m’a également beaucoup enrichie. J’ai appris des informations précieuses concernant la reconnaissance des diplômes, ce qui m’a permis de mieux comprendre ce que je peux entreprendre dans ma propre situation. Cela est bénéfique pour mon CV, et moi aussi, j’acquiers de nouvelles compétences, étape par étape.

Je me suis sentie active et utile ! Il est essentiel pour moi de trouver quelque chose que j’aime et qui me motive. Avoir ces opportunités est crucial pour mon développement personnel et professionnel.

  • Quels sont vos projets pour la suite ?

On m’a proposé un CDI à l’EVAM en tant que conseillère en orientation, et j’ai commencé ce nouveau poste en novembre. C’est un immense plaisir pour moi d’avoir cette opportunité – je n’aurais jamais imaginé pouvoir un jour travailler à l’EVAM. Mon objectif était de trouver un CDI, car cela apporte de la stabilité et permet de mieux organiser le rythme familial (UAPE, etc.), alors que les contrats à durée déterminée sont mentalement épuisants.