Vivre l’accueil au quotidien : les témoignages d’Alexia, Benoît et Feridon

Alexia et Benoît, un couple d’origine belge, ont accueilli Feridon, un jeune afghan, au sein de leur foyer à Pully. Une expérience qui a naturellement trouvé sa place dans l’histoire de leur famille. 

Benoît : Nous sommes parents de quatre enfants. Aujourd’hui ils sont partis pour leurs études ou leur travail. Nous habitons à Pully et nous avons été très heureux d’accueillir Feridon pendant un an et demi. 

Alexia : Petit à petit, nos enfants ont quitté la maison, et c’était naturel d’accueillir quelqu’un. Quand la guerre en Ukraine a éclaté, j’ai vu le programme Héberger un migrant. Nous en avons discuté en famille et avons décidé de nous porter candidats. 

On nous a demandé si nous étions ouverts à accueillir quelqu’un qui ne venait pas d’Ukraine. Pour nous, il n’y avait aucun souci. La nationalité ou la religion n’avaient aucune importance. Ce qui comptait, c’était plutôt l’âge : je me sentais plus à l’aise d’accueillir un jeune, quelqu’un que je pouvais accompagner, coacher dans sa jeune vie d’adulte. 

Il y avait bien entendu quelques appréhensions… Accueillir quelqu’un change forcément la dynamique familiale. On ne sait jamais si la “chimie” va prendre. Mais nous avons été très vite rassurés quand nous l’avons rencontré et l’accompagnement de l’EVAM m’a beaucoup aidée. À chaque question, je pouvais appeler, je me suis sentie soutenue autant que Feridon. 

Benoît : Je dirais plus de satisfaction que d’appréhensions. L’EVAM, les contacts, la visite, la rencontre accompagnée, ça a renforcé notre confiance. On ne faisait pas un saut dans le vide. Et très honnêtement, le sentiment principal, c’était la satisfaction de pouvoir contribuer à quelque chose. Pour nos deux enfants encore à la maison, c’était une ouverture très précieuse sur le monde. 

La rencontre avec Feridon et la vie ensemble 
Alexia : Je me souviens très bien de la première rencontre. On a senti sa timidité, sa douceur. C’était un choc pour nous en allant le chercher au foyer : un endroit correct mais rudimentaire, et on y ressent la solitude. Nous souhaitions que Feridon se sente accueilli et en sécurité, tout de suite.  On lui a montré l’appartement et on l’a laissé s’installer tranquillement.  

Vivre avec nous lui a donné des repères : une famille, de la sécurité, de l’écoute, de l’affection. Et dans ses choix, études, travail, on a pu le conseiller. Nous l’avons aidé à trouver son premier stage, puis il a trouvé son poste à la Coop grâce à l’EVAM. 

On s’entend très bien. Il vient dîner à la maison environ une fois par mois. Il nous raconte son travail, ses amis, ses histoires de cœur… On s’appelle, on s’envoie des messages. Il était avec nous à Noël, au mariage de notre fille, il a passé des weekends avec nous en montagne. Il a organisé son anniversaire chez nous avec ses amis afghans, adorables, très calmes et très respectueux. Il sait qu’il peut nous appeler s’il a une question ou un souci. Nous sommes son point d’attache ici. Sa famille en Suisse. 

Benoît : Il a une vraie place dans la famille.  

Les moments partagés 
Alexia : Nous travaillons beaucoup tous les deux, donc nos moments étaient surtout du quotidien, les repas, les discussions, les moments festifs. Pour son premier anniversaire ici, nous sommes allés dans un restaurant afghan : une découverte pour nous, et une fierté pour lui. Il nous a aussi cuisiné des plats afghans, toujours en laissant la cuisine impeccable. 

Et puis on lui a organisé des cours de natation. Quatre ou cinq cours, et il a appris à nager. Aujourd’hui il va nager avec ses amis, et le voir heureux comme ça, pour moi, c’est génial. 

L’année dernière, pour mon anniversaire, il est venu avec un énorme gâteau. Ce sont des moments simples mais tellement beaux. Que des souvenirs positifs. 

Ce qui nous a surpris 
Alexia : La cohabitation n’était pas si compliquée. Si on me l’avait dit il y a dix ans, je ne suis pas certaine que j’aurais osé. Mais finalement, cela a été naturel et nous a beaucoup apporté… Humainement, c’est très fort. 

Benoît :  Beaucoup de surprises positives. Comme on dit ici : “déçus en bien”. 

Message pour celles et ceux qui hésitent à se lancer 
Alexia : N’hésitez pas. C’est tellement enrichissant. On se sent parfois impuissants face au monde… Accueillir quelqu’un, c’est faire quelque chose de concret. Et avec l’EVAM, on est accompagnés. Si quelque chose ne va pas, il y a une solution. Leur soutien fait vraiment la différence. 

Benoît : Je veux insister sur le rôle de l’EVAM. C’est un dispositif très professionnel et très encadré. Accueillir quelqu’un, c’est comprendre qu’on partage la même humanité. Et c’est aussi un cadeau pour les enfants, apprendre que le monde est grand, divers, et qu’on peut y trouver des ponts. 

Je ne minimiserais pas l’impact que nous avons pu avoir sur lui. Je pense que ce genre d’expérience peut être une révélation ou ça peut être déterminant, surtout à un âge où avec la fatigue, l’usure, le manque d’amour, c’est possible de sombrer ou partir dans tous les sens. 

Je dis souvent, ce n’est pas un problème migratoire, le problème c’est l’intégration. Et il faut le dire : l’intégration, ça marche. Feridon travaille, il a son appartement, il a des amis, il avance. C’est ça qui compte. 

Alexia : On a besoin de relations humaines profondes aujourd’hui, plus que jamais. Merci à l’EVAM de nous avoir donné l’occasion de vivre cette expérience qui aura été importante dans notre vie. Ce n’est pas anodin à un tel point que nous souhaitons réenvisager l’expérience.  

Le regard de Feridon

Je m’appelle Feridon, je viens d’Afghanistan et cela fait presque 5 ans que je suis en Suisse. 

Première rencontre avec la famille d’accueil  
Lors de la première rencontre, j’étais très stressé : je me demandais comment ça allait se passer, s’ils allaient m’accepter ou pas. Et ça s’est très bien passé. Pour le déménagement, Alexia et Benoît sont gentiment venus me chercher avec leur voiture. Nous sommes arrivés chez eux, ils m’ont montré ma chambre. C’était une nouvelle vie qui commençait pour moi. La première nuit, j’ai tellement bien dormi. Au foyer, je partageais ma chambre avec une autre personne, il y avait quinze personnes à mon étage et il y avait toujours du bruit. 

Un quotidien pour pratiquer le français 
Le grand changement entre la vie au foyer et dans une famille d’accueil, c’était pouvoir pratiquer la langue. Je parlais toujours le français avec eux. J’ai aussi découvert la vie en Suisse : quelles sont les démarches pour avoir un travail un apprentissage, aller au fitness, etc. Benoît ou Alexia qui me conseillaient.  

J’ai aussi pu leur partager un peu de ma culture : j’ai cuisiné des repas afghans et nous avons regardé des films d’Afghanistan.  

Moments du quotidien 
Parti d’Afghanistan à 15 ans, je suis arrivé en Iran et j’ai perdu tout contact avec ma famille.  J’avais pris contact avec la Croix-Rouge en Grèce, puis en Suisse pour rechercher ma famille, sans succès. Je n’avais même pas leurs photos, parce que dès que je passais d’un pays à l’autre je perdais mes téléphones. Alexia connaissait une personne d’origine afghane qui a aussi commencé à chercher grâce à ses contacts. A travers Facebook, j’étais en contact avec un homme qui avait été arrêté par les Talibans. Après 8 mois, il est sorti de prison et il a rencontré un homme qui semblait être mon père. Il a fixé un rendez-vous chez cet homme, il m’a appelé et c’était en effet un membre de ma famille. C’était une belle surprise que je sois chez ma famille d’accueil au moment où j’ai retrouvé ma propre famille. Nous avons fait à manger pour célébrer ce moment très spécial.  

Quand je vivais chez eux, Alexia passait du temps avec moi comme avec son fils. Je ne me sentais pas différent : quand elle s’adressait à lui, elle me parlait de la même manière. Encore maintenant, je passe là-bas pour manger ensemble régulièrement. Dès que j’ai du temps et eux sont libres, nous passons encore des moments ensemble au chalet, au cinéma, au restaurant.  

Chez eux, je me sentais apaisé. Je savais que si j’avais un problème, je pouvais toujours en parler avec eux. Aujourd’hui, rien a changé, à part que je ne vis plus chez eux. Je peux compter sur eux et ça c’est vraiment bien. Je vis seul maintenant mais ils sont comme ma famille ici. Ils ont beaucoup fait pour moi, c’est la meilleure famille.  

Impact du projet et conseils 
La première chose que j’ai appris chez eux, c’était la vie de famille :  comment préparer les repas, aider à mettre la table, par exemple.  Aussi, j’ai appris à croire en moi, à me dire « oui, je peux ». Alexia me le répétait souvent ; même si je dois rattraper, je dois persévérer.  

Quand je vois certaines personnes que j’ai connues au foyer, elles sont encore en train d’apprendre la langue. Moi, j’ai mon travail, ma voiture, mon appartement ; maintenant je suis autonome. Grâce à ma famille d’accueil, je suis là où je suis aujourd’hui. Si j’avais été seul, je n’y serais pas parvenu. 

Être chez une famille permet d’apprendre la langue et la culture. Ça aide beaucoup. Il faut sortir de la chambre et il faut passer du temps avec la famille. Il faut montrer des choses positives, pas tout le temps des choses négatives. Il faut toujours être fort et respecter. Parce que la famille t’a choisi pour te pousser vers le haut.